Japon : 4 expériences sensorielles uniques à ne pas manquer
“La façon dont un peuple explique son existence en apprend parfois aussi long que celle dont il la vit.” Chronique japonaise, Nicolas Bouvier
J’aurais pu vous parler des dunes de Tottori le long de la mer du Japon. On ne s’attend pas, au Japon, à arpenter des montagnes de sable à dos de chameau. J’aurais pu également vous raconter le festival de Kamakura qui se déroule près d'Hokkaido, ses huttes de neiges au sein desquelles on déguste un ragoût traditionnel. Le Japon n’en finit pas de surprendre les voyageurs.Si vous avez parfois l’impression de vous trouver sur une autre planète pour autant, vous n’aurez jamais l’impression d'être en danger. Car derrière chaque détail vous devinez la présence d’une civilisation séculaire extrêmement raffinée. Parmi les sites qui m’ont marquée, en voici quatre, voyons si vous retrouvez votre âme d’enfant...
Nakasendo- la route de la montagne intérieure
L’ancienne route qui reliait Tokyo à Kyoto pendant l'ère Edo se comptait en Li soit 3,93 km. C’était le chemin qu’une personne chargée pouvait couvrir en une heure! Le système des 5 routes commerciales se déploie au XVIIIe siècle sous le shogunat de Tokugawa Ieyasu. Cette voie marchande la plus longue de toutes était empruntée par les guerriers, les diplomates et les moines du temps de la grandeur de Kyoto. Cette dernière cède la place de capitale à Tokyo en 1869. Le long de cette voie, des stations-relais voient le jour pour ravitailler les voyageurs et les bêtes. Parfaitement balisée au moyen de pierres, la route se parcourt de préférence à vélo ou à pied. Elle sillonne les Alpes japonaises, se faufile entre les rizières au sein desquelles se sont installées des communautés d’agriculteurs, enjambe des rivières. Vous pourriez bien apercevoir des sangliers ou des ours, la région en compte. Chemin faisant, vous craquerez pour les objets d’artisanat tels que le papier japonais washi à base de bois de mûrier. Vous assisterez à une représentation de théâtre Kabuki que Mishima a tenté de réhabiliter après la seconde guerre mondiale. Le tronçon le plus spectaculaire est celui situé entre Magome et Tsumago avec les rues pavées et les auberges traditionnelles où vous dégusterez des zobas, ces nouilles noires au sarrasin.
Le Japon ne produit pas que du saké
Aux dires de certains connaisseurs, le whisky japonais rivalise tout comme le whisky taïwanais avec l’alcool écossais ou irlandais. La mythique distillerie Nikka remonte à 1923. Elle fut créée par Masataka Taketsuru, un pionnier qui avait fait ses classes en Ecosse. Souhaitant reproduire les conditions climatiques de l’Ecosse, il fait construire une distillerie sur l’île d’Hokkaido à l'extrême Nord du pays. Vous avez en mémoire les premières scènes du film Lost in Translation où Bill Murray tourne à Tokyo une publicité pour un whisky japonais? Vous y êtes! La maison mère Suntory Yamazaki forme la deuxième plus vieille après Nikka et utilise encore de nos jours plusieurs alambics. Originaire des environs d'Osaka, le Suntory Hakushu nouvelle mouture alimente aujourd’hui les restaurants gastronomiques japonais. D’ailleurs le célèbre master blender Keizo Saji a sélectionné cette institution. Ne manquez pas la visite guidée de 80 mn sur réservation ou munissez-vous d’un audioguide. Par petits groupes, vous vivrez les étapes de la fabrication depuis le choix des céréales, orge, malt , blé, seigle jusqu’aux fûts de maturation en passant par les lieux de mashing et la fermentation.
Naoshima, une île férue d’art contemporain
Pour qui se rend à Naoshima, sachez que la courge jaune tachetée signée Kusuma a une petite soeur, une citrouille rouge, tout comme Naoshima a une petite soeur,Teshima. L’histoire de cette île en direction d’Okinawa est remarquable. Elle débute par la prospection d’un site pour un camp de vacances! L’entreprise Benesse- à la tête de cours par correspondance créé ce site en 1989. Le coup de génie consiste à louer les services de l’architecte nippon Tadao Ando qui conçoit des yourtes blanches qui se fondent dans le paysage. Des sculptures monumentales sont placées ici et là telles que la Grenouille et le Chat de Karel Appel. Puis est créée la maison Benesse qui se mue en un hôtel-musée avec sa salle ovale. Vous y verrez outre la courge jaune, des sculptures de Niki saint Phalle. En 2004 c’est le musée Chichu qui voit le jour. Il abrite non seulement les Nymphéas mais aussi Open Sky de James Turrell. Assis sur un banc de marbre, vous observez le ciel au travers d’un large puits de lumière. Sur place ne manquez pas les imposantes boules d’acier de Walter de Maria intitulées Time-Timeless /No Time. Pour finir, si vous appréciez les photographies en noir et blanc de Sugimoto si vibrantes, vous serez comblé! Mais surtout attardez-vous au port pour contempler l’île flottante de Fujimoto ou la sculpture cinétique de Rickey.
La bambouseraie d’Arashiyama pour le Tigre et le Dragon
Le film d’Ang Lee de 2000 tourné sur place retrace la quête pour récupérer une épée magique du nom de Destinée. Si les arts martiaux sont largement employés, la forêt de bambous de Sagano au Nord-Ouest de Kyoto apporte une note féérique. Il faut dire que cette espèce d’arbre symbolise la force et repousse les mauvais esprits. Longue de 500 m, cette allée peut se parcourir à pied ou en rickshaw. Les bambous géants sont impressionnants et le soleil rasant lorsqu’il perce à travers eux. En décembre des illuminations ont lieu grâce à des lanternes suspendues aux arbres. En été vous pouvez faire une mini croisière sur la rivière Hasegawa. Je l’ignorais jusqu’ici pour ma part mais le ministère de l’environnement japonais a classé le bruissement dans les feuilles parmi les 100 paysages sonores du pays. Une fois sur place, profitez-en pour visiter la forêt de kimonos autrement dit les 600 piliers colorés habillés de tissu teint selon la technique Kyo-Yuzen. Pour terminer, gagnez le temple Tenryu-Ji recensé par l’Unesco comme 23 autres sites remarquables. Le mieux consiste à le voir en automne et faites halte au restaurant Shigetsu, un étoilé Michelin.
Le temps manque pour tout voir dans ce pays qui réserve des merveilles à l’image du parc Yoro à Gifu. Imaginé par des architectes et des artistes, ce parc expérimental met l’accent sur l’inattendu. Préparez-vous à perdre vos repères comme perché sur un manège. Il est plébiscité par les enfants qui y trouvent un fabuleux terrain de jeux. Mettez-vous dans leurs pas. Le site est merveilleux depuis les cerisiers en fleurs au printemps, les monts Yoro, le téléphérique ou les cascades. A Gifu, je recommande la pêche Ukai sur la rivière Nagara qui existe depuis 1300 ans. Elle s’effectue de nuit grâce à des lanternes et des cormorans. Pour attirer les poissons, les pêcheurs mettent des pelures d’orange dans l’eau.
NB: Savez-vous ce qu’est le High Ball? Un cocktail composé de whisky, de glaçons et d’eau pétillante!
Auteur : Gretel Tamalet
Crédits Photo : Kaori Chin - Unsplash