Au coeur du Jardin Majorelle de Marrakech
Des nénuphars posés sur l’eau des bassins, des effluves de jasmin, des cactées géantes, des caroubiers, le rose vif des fleurs de bougainvillées, des cocotiers à la cime haute, des jardins du lotus, des bambous aériens, des palmiers-dattiers, des cyprès qui se dressent comme en Toscane… Au tournant des 30, Majorelle se lance dans un projet fou à la fois architectural et paysager. Il est loin de se douter quelle destinée aura son œuvre. Des chefs d'État craquent pour ce jardin impressionniste à l’image de Winston Churchill qui ne manquait pas de s’y promener. Presque 100 ans plus tard, les visiteurs plébiscitent le jardin bleu lors de leur passage à Marrakech. Les mots manquent pour dépeindre cette œuvre d’art vivante qui fait penser à une oasis. Selon le site anglophone Housefresh, le jardin Majorelle se range même en deuxième position au palmarès des plus beaux jardins du monde après le Gardens-by-the-Bay de Singapour. Pourquoi ne pas faire un détour par son café en terrasse et savourer un thé à la menthe, la boisson la plus désaltérante sous ces climats chauds ?
Jacques Majorelle sous le charme de Marrakech
Revenons sur le début de cette belle histoire. Jacques Majorelle tombe sous le charme de Marrakech alors qu’il s’y rend en 1917 pour y suivre une convalescence à l’invitation du Général Lyautey, ami de son père. Le pays est sous protectorat français et le peintre orientaliste est conquis. Dans un premier temps, il achète une parcelle d’1,6 hectare en bordure de la palmeraie. Le terrain est planté de peupliers “saf saf” en arabe. Il fait bientôt édifier un bâtiment berbère flanqué d’une tour qu’il utilise comme atelier. Seulement Majorelle a vu les jardins d’Islam, il a été émerveillé par la fraicheur qu’ils procurent, les cours ombragées, les jeux d’eau… Il entend bien reproduire ce paradis perdu. Et puis il est fou de jardin botanique. Aussi agrandit-il sa parcelle et rassemble plus de 300 espèces rares de végétaux qui vont des cocotiers aux nymphéas. Par ailleurs, il fait appel à l’architecte Paul Sinoir qui lui construit une villa cubiste que prolonge un long bassin de style oriental.
Le peintre a choisi, il recouvre sa maison d’un bleu outremer-cobalt inspiré des eaux du Tasgah dans l’Atlas marocain. Le bleu Majorelle si intense, parfois qualifié de bleu électrique, est né. Il est composé majoritairement de bleu mais aussi de rouge et de vert et l’artiste dépose d’ailleurs le nom en 1931. Tout depuis les jarres, les portails jusqu’aux pergolas sera décliné dans ce bleu qui apporte beaucoup de gaité. Si on passe en revue les toiles de l’artiste, force est de remarquer que ce bleu est omniprésent. Dans un Marché à Marrakech, c’est une fenêtre, un store, des étoles qui sont restitués dans ce bleu. De la même manière, l’Oued de Mellah montre des eaux de cette couleur bleue. Même dans les peintures des Nus Africains, le fond est fait dans ce ton profond. C’est ainsi que nous pouvons reconnaître l'œuvre de Majorelle grâce à ce ton unique.
Yves Saint Laurent et Pierre Bergé
Après avoir été amputé d’une partie de sa surface et cédé à la ville de Marrakech, le jardin est à l’abandon. En février 1966, un événement inattendu survient. “Le couturier Français Yves Saint Laurent et son ami Pierre Bergé arrivent à Marrakech à bord d’une caravelle Air France. Ils descendent à La Mamounia, à l’époque un hôtel de luxe désuet. Le temps est maussade, ils n’aiment pas vraiment la ville. Puis le soleil apparaît, l’Atlas dévoile ses sommets enneigés, les odeurs de jasmin embaument l’air et le soleil inonde la ville de lumière. C’est un choc.” Le couple décide d’acquérir la maison bleue aux serpents dans la médina. Il faut savoir que le couturier a passé son enfance en Algérie et au Maroc il a l’impression d’être ramené à ses sources. Tous les ans, il se rend à Marrakech en hiver et en été pour dessiner ses collections. Le jardin Majorelle le ravit et il s’étonne qu’il soit peu fréquenté. Yves Saint Laurent déclare y retrouver les couleurs propres à Matisse.
Désireux de se rapprocher du jardin Majorelle, Yves Saint Laurent et Pierre Bergé acquièrent une maison toute proche. Le jardin n’est plus entretenu et tombe peu à peu à l'abandon. Lorsqu’un projet de complexe hôtelier voit le jour qui menace son existence, le couturier et son compagnon se lancent dans une entreprise folle, le racheter pour éviter sa démolition. C’est ainsi qu'ils acquièrent le jardin en 1980 ainsi que la villa bleue attenante qu’ils rebaptisent villa Oasis. Ils s’établissent dans cette maison mauresque qu’ils restaurent aidés par leur ami décorateur Bill Willis. Ils choisissent également d’exposer la collection privée d’art islamique qu’ils ont composée à partir d’objets provenant d’Afrique, d’Orient et d’Asie. Toutefois la vie n’a jamais quitté le jardin Majorelle, on entend chanter les bulbuls, les rouges-gorges, les merles… A présent il s’agit de redonner au jardin son lustre d’antan. Pour cela ils s’adressent à un ethnobotaniste qui mettra 10 ans à créer ce chef d'œuvre. Avec la villa Dar El Bacha, la Villa Oasis est certainement la villa incontournable de Marrakech.
Une fondation est créée en 2001 afin de protéger le patrimoine écologique, culturel et historique du jardin Majorelle. A la mort du couturier, ses cendres sont répandues dans la roseraie du jardin Oasis et une colonne romaine lui rend hommage.
Pour les fans de l'œuvre de Yves Saint Laurent, passionnés d'histoire, de l'art et de la mode, nous recommandons également le musée Yves Saint Laurent à Paris.